La vraie vie est ailleurs

Soutenu puis laminé par une critique partisane, Jean Forton, auteur d’une petite dizaine de romans, est un écrivain des années 50 tombé dans l’oubli. Grâce à un patient travail de recherche, les éditions Le Dilettante ont mis la main sur un roman inédit, dont il était fait mention dans sa correspondance, mais dont personne jusqu’à présent ne connaissait la réelle existence.

La vraie vie est ailleurs raconte le périple d’un lycéen un brin effacé, Lajus, qui va croiser la trajectoire d’un élève aussi brillant qu’indiscipliné, sauvage et provocateur : Juredieu. Leur amitié fulgurante et improbable va propulser Lajus dans un nouveau monde : celui de la nuit, de la bringue, des filles faciles. Très vite il découvrira qu’à l’opposé de son quotidien tranquille et petit bourgeois, se trouve la vraie vie, celle de l’instant, de l’improvisation, des canailles. Jusqu’à s’y perdre.

Ce roman magnifique est un hymne doux-amer à l’adolescence et à la liberté. C’est aussi l’instantané d’une époque oubliée qu’il est bon de retrouver le temps d’un livre. Le charme à l’état pur.

Et si la vraie vie est ailleurs, la vérité est là sous nos yeux sous la forme d’une simple question : qui de nos jours en France peut prétendre écrire aussi bien que Jean Forton, cet illustre inconnu ?

La vraie vie est ailleurs, Jean Forton, éditions Le Dilettante  20 €.

Hôtel de la solitude

Que cherche Jérôme Bourdaine en poussant les portes de l’Hôtel de La Turbie, ce palace désargenté perché sur les hauteurs de Monaco ? Fuir le monde et l’ennui qu’il procure ? Disparaître en laissant derrière lui sa vie et ses maîtresses ? Ou simplement céder à l’appel de l’oisiveté ? Dans tous les cas, dans cet hôtel vide d’occupants et au bord de la ruine, qui ne se nourrit que des fantômes d’un glorieux passé, Jérôme trouvera un écho à ses rêveries solitaires. Car en ces temps pourtant troublés, le monde semble s’être arrêté au coeur de cette singulière demeure, comme suspendu dans un souffle mélancolique. Jusqu’au jour où un couple arrive à son tour…

Qui se souvient de René Laporte, écrivain et résistant né en 1905, disparut en 54 ? Il fallait bien toute la malice du Dilettante pour sauver ce court roman de 1944 de l’oubli et lui donner une deuxième vie. Cette fois-ci ne ratez pas votre chance, l’occasion est trop belle. Hôtel de la solitude est un texte rare, à l’élégance surannée, presque aristocratique, où tout est dans la beauté du geste, comme un tableau parfait. Et l’amour, toujours, au détour d’une page…

Hôtel de la solitude, René Laporte, éditions Le Dilettante 15 €.

Ce qu’il advint du sauvage blanc

Quelque part en Australie, à proximité d’une plage déserte, un jeune matelot nommé Narcisse Pelletier, est abandonné sans raison apparente par son capitaine. Nous sommes au milieu du XIXème siècle.

Dix-sept ans ont passé lorsque l’équipage d’un navire anglais le recueille par hasard. L’homme vit nu au milieu des aborigènes, et semble avoir tout oublié, son nom, sa langue, son passé. Le vicomte Octave de Vallombrun, aventurier à ses heures et passionné de géographie, va le prendre sous son aile et tenter de retracer son itinéraire et ses origines. Son périple l’entraînera à Londres puis en France, où la bonne société va se passionner pour celui qu’on appelle « Le sauvage blanc ». Mais Narcisse Pelletier parle peu et surtout n’évoque rien de sa vie en Australie, au grand désarroi de son bienfaiteur.

Inspiré de faits réels, Ce qu’il advint du sauvage blanc est l’histoire émouvante d’un homme oublié coincé entre deux mondes. C’est aussi le récit passionnant d’une peuplade nomade, qui survit entre naïveté, simplicité, lucidité et cruauté. C’est le portrait d’une société civilisée bien plus cruelle et cynique que celle dite sauvage. C’est un premier roman formidable, mélancolique, une robinsonade picaresque qui évite pourtant tous les clichés.

En trois mots: une bonne pioche.

François Garde sera présent cette année au festival Etonnants Voyageurs (du 26 au 28 mai).

Rendez-vous sur le stand Gallimard-Librairie L’Odyssée !

Ce qu’il advint du sauvage blanc, François Garde, éditions Gallimard 21.50 €.