Le Présage

Toxey est âgé et commence à souffrir d’Alzheimer. Enfermé dans une maison de retraite, son seul plaisir consiste à guetter les visites de sa fille. Dehors le monde politique vacille et le chaos commence à se répandre dans tous les Etats-Unis.

Sachant que le temps lui est compté, Toxey n’a d’autre choix que de raconter son secret et d’affronter le gouffre de son passé.

Des décennies plus tôt, Toxey est un jeune noir qui parcourt sa ville un appareil photo autour du cou. Ses clichés font la joie des clients de la quincaillerie où il travaille. Mais un jour l’une des ses photos attire l’attention d’un homme mystérieux, tandis qu’une jeune femme est retrouvée morte dans une réserve naturelle. Toxey ne le sait pas encore, mais sa photo menace un certain Elder Reese, un riche héritier aussi brutal que maléfique, un futur sénateur à l’ambition dévorante, prêt aux pires bassesses pour arriver le plus vite possible tout en haut de l’échelle du pouvoir.

Dans cet imparable roman noir, aussi tranchant qu’un couteau bien aiguisé, Peter Farris s’attaque avec brio aux nouveaux monstres de la politique, nés du crime et de la corruption, dont la démagogie, l’argent et la violence sont les seules valeurs.

Un bijou d’efficacité d’une justesse alarmante.

« Puis il brandit le discours (…) et, avec un geste théâtral, il le déchira en deux et jeta les bouts de papier sur le côté. (…) Il tendit le cou pour scruter la salle et, avec un lèchement de babines reptilien, prononça les premiers mots qui lui vinrent à l’esprit.

– Les amis, je vais arriver à Washington à coups de tricherie, de mensonge et de vol, et vous n’aurez pas d’autre choix que de m’adorer. »

Le Présage, Peter Farris, traduit de l’américain par Anatole Pons-Reumaux, éditions Gallmeister 24,90 €

Les araignées ne sont pas vendeuses.

C’est une histoire drôle, ou presque.

L’histoire d’un flop.

Un souvenir gênant que vous aimeriez bien glisser sous le tapis.

Il était une fois un représentant d’une célèbre maison d’édition qui un beau jour vous conseille un roman. Il y est question d’une invasion d’araignées qui plonge le monde dans le chaos… Curieux de découvrir ce thriller apocalyptique, vous lisez quelques pages et très vite vous continuez. Il faut admettre que ça fonctionne plutôt bien ! Certes on ne fait pas dans la dentelle littéraire, mais après tout un « blockbuster » de temps en temps, qu’il soit livresque ou cinématographique, ça ne fait pas de mal. Vous le mettez donc en avant à la librairie et rédigez même un petit texte de présentation.

Mais voilà… Les araignées, ça ne fait pas vendre ! (en tout cas, pas chez nous) Malgré quelques tentatives de conseil, les moments de solitude se succèdent et la pile ne descend pas. Alors vous espérez que ça marchera tout seul, après tout la couverture est réussie… Mais non rien à faire. Cela devient la pile de trop, le coup de coeur que vous traînez comme un boulet. Vos collègues vous regardent avec un petit sourire en coin et un air affligé à chaque nouvel échec… Vous surprenez des regards entendus et des yeux levés au ciel… Même votre apprentie ne vous respecte plus, c’est la fin. Au bout du compte, après des mois et une petite couche de poussière, vous finissez par accepter l’inéluctable : c’est un bide. Alors vous retournez la pile de neuf exemplaires (parce que vous en avez vendu un malgré tout, peut-être sur un malentendu mais c’est mieux que rien) discrètement la nuit, librairie fermée, entre deux patrouilles de la police municipale, pour que personne n’assiste à votre humiliation.

Mais ce n’est pas grave, vous n’êtes pas rancunier, vous retenterez au moment de la sortie en poche ! Ah mais justement, c’est maintenant… Zut !

(En plus c’est une trilogie…)

Frédéric

Eclosion, Ezekiel Boone, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jérôme Orsoni, Babel Actes Sud 8.80 €

Temps noirs

Avec Darktown, Thomas Mullen inaugurait une série policière prometteuse, enrichie d’un contexte historique passionnant et inquiétant.

Atlanta, fin des années 40, alors que la ville est en pleine Ségrégation, la municipalité décide de faire bonne figure et recrute pour la première fois des noirs au sein de la police. Ce détachement spécial, chargé de patrouiller uniquement dans les quartiers noirs et dont le commissariat est une cave insalubre, n’est qu’une vitrine politique chargée d’apaiser les tensions raciales. Lorsqu’il rejoint cette unité, Lucius Boggs le sait pertinemment et n’a guère d’illusion malgré son idéalisme. Il sait aussi que même en tant que flic, croiser le regard d’un blanc peut lui coûter une balle dans la tête ou une corde autour de la nuque. Et surtout, il sait que parmi les blancs, ses collègues policiers sont les plus dangereux.

Darktown était une réussite en tout point. Heureusement pour nous, sa suite est tout aussi remarquable. Avec Temps noirs, l’auteur confirme son talent et renforce ses personnages et son intrigue. Nous sommes en 1950 et l’émergence d’une timide classe moyenne noire bouscule la conservatrice Atlanta. Les quartiers bougent et les blancs se sentent menacés. Tandis que le trafic de drogue se répand et que le Klu Klux Klan s’agite, les citoyens prennent les armes et des initiatives regrettables… Lucius Boggs a bien du mal à empêcher que tout explose et à gérer sa vie personnelle vacillante. Tiraillé entre un père pasteur adepte du compromis et une fiancée au passé sulfureux, les frontières s’estompent et le terrain devient glissant.

Découvrez sans tarder les polars de Thomas Mullen ! Vous succomberez vite à ces enquêtes brillantes et à cette ambiance anxiogène, où la peur est gravée dans les gênes des protagonistes. Quand traverser une rue pouvait vous ôter la vie, juste en raison de la couleur de votre peau.

Cerise sur le gâteau, le premier volume est désormais en poche.

Frédéric

Darktown, Thomas Mullen, traduit de l’américain par Anne-Marie Carrière, Rivages Noir 9.80 €

Temps noirs, Thomas Mullen, traduit de l’américain par Anne-Marie Carrière, Rivages Noir 23 €