40 hommes et 12 fusils, dédicace de Marcelino Truong vendredi 18 novembre.

Indochine 1954. Le pays qui rêve d’indépendance est déchiré par la guerre. Minh est un jeune peintre issu de la bourgeoisie d’Hanoï proche des français, que son père envoi à la campagne gérer les terres familiales. Mais en chemin l’armée révolutionnaire le contraint à s’engager avant de l’affecter à un bureau en charge de la propagande. Pour survivre et continuer à dessiner, Minh devra taire ses origines et ses opinions politiques. Après avoir traversé le pays à pied et s’être rendu compte des ravages de la guerre, le voilà muté à Diên Biên Phu…

Après ses deux premiers romans graphiques autour de son enfance et de sa jeunesse Une si jolie petite guerre et Give peace a chance, Marcelino Truong nous plonge cette fois en pleine guerre d’Indochine, au coeur d’un conflit sanglant qui ne fit que préparer un second quelques années plus tard encore plus dévastateur.

Il créé l’inoubliable Minh, peintre contemplatif et romantique qui découvre l’envers du conflit : l’endoctrinement à travers une propagande omniprésente, l’influence chinoise qui souhaite transformer une légitime quête de liberté et d’indépendance en une furieuse lutte des classes. Mais malgré ses doutes et ses colères, il découvre aussi une population solidaire et brave, pour le meilleur et pour le pire. Spectateur et acteur malgré lui d’une guerre qui le dépasse, il tente par tous les moyens de résister à l’abrutissement et la compromission.

Avec 40 hommes et 12 fusils Marcelino Truong livre un formidable récit, passionnant autant que pédagogique, bouleversant autant que courageux. Ses dessins n’ont jamais été aussi précis, émouvants, terribles. Ils rendent le périple de Minh si vivant qu’on en ressort troublé. En créant un alter égo qui lui ressemble beaucoup, l’auteur pose la question essentielle mais difficile de la place d’un artiste en temps de crise ou de conflit. Comment exister entre la politique et l’art, comment survivre ou rester libre et continuer à créer sans se renier…

Nous sommes heureux de vous inviter à une séance de dédicace avec Marcelino Truong vendredi 18 novembre de 18h à 19h !

40 hommes et 12 fusils, Indochine 1954, Marcelino Truong, Éditions Denoël Graphic 28.90 €

Et si vous offriez une BD pour Noël ?

Plus que jamais les BD ne manquent pas en cette fin d’année !

Voici quelques uns de nos coups de coeur sélectionnés par toute l’équipe :

Ballade pour Sophie, Filipe Melo et Juan Cavia, Paquet 27 €

Un roman graphique qui nous vient du Portugal !

L’histoire passionnante d’une rivalité entre deux pianistes de génie depuis leurs plus jeunes années, qui ne cesseront de se croiser tout au long de leur vie. Assurément un grand bonheur de se plonger dans ce récit dense et magnifiquement illustré. L’album étant passé un peu inaperçu dans les médias et autres critiques, ne ratez pas l’occasion de profiter d’un très bon moment de lecture ! Fanny

Les Strates, Pénélope Bagieu – Gallimard 22 €

Après l’énorme succès des Culottées, que vous avez peut-être découvertes au festival Quai des bulles, Pénélope Bagieu, nous livre ici une oeuvre autobiographique. Elle présente, à travers de courtes histoires, des expériences accumulées, superposées, qui la constituent aujourd’hui. L’enfance, l’adolescence, des agressions, la perte d’êtres chers… mais aussi l’amour.

Des souvenirs qui, bien que personnels, nous touchent au plus profond car chacun peut s’y retrouver à un moment ou un autre.

Un roman graphique très émouvant à découvrir accompagné d’une boite de mouchoirs. Karène

Kosmos, Fabien Bedouel, Patrice Perna, Delcourt 27,95 €

Et si le premier homme sur la Lune était… une femme ? Et russe de surcroît ? Avec Kosmos, découvrez l’autre vérité sur la conquête lunaire… Un dessin d’une grande précision qui laisse toute la place au silence inquiétant de l’espace, magnifié par un sublime noir et à blanc à couper le souffle. Saurez-vous discerner la réalité de la fiction ? Frédéric

Coming in, Elodie Font et Carole Maurel, Payot 19 €

Alors que nous sommes plus habitués à entendre parler du « coming out », Coming in aborde le sujet de l’acceptation de son homosexualité non pas par les autres mais par soi-même. Cette BD, sensible et plein de bienveillance, retrace l’histoire d’Elodie Font, de son premier désir ressenti face à une femme, aux insatisfactions des relations avec des garçons et cette impression de ne pas être « normale ». Mais pour être pleinement heureuse, elle devra accepter l’évidence et faire le deuil de son hétérosexualité.

Une ode à la tolérance et à l’amour, sublimée par les dessins de Carole Morel , à mettre dans toutes les mains. Karène

Le grand vide, Léa Murawiec, éditions 2024 25 €

Dans une immense et tentaculaire mégalopole, tout est affaire d’attention et de reconnaissance. Si on ne pense pas suffisamment à vous, c’est la mort qui vous attend. Est-ce de l’anticipation ou déjà notre quotidien ? D’une folle énergie et porté par un dessin innovant, Léa Murawiec signe une oeuvre graphique audacieuse, percutante, qui résonne furieusement avec notre monde actuel. Le trait d’union improbable entre les mangas d’Osamu Tezuka et 1984 d’Orwell ! Frédéric

47 cordes (1ère partie), Thimothé Le Boucher, Glénat 25 €

Timothé Le Boucher est de retour avec un thriller psychologique (divisé en 2 parties) encore plus sombre que les précédents. Une métamorphe, femme capable de changer d’apparence, tombe un jour amoureuse d’Ambroise, jeune harpiste, qui vient juste d’intégrer un nouvel orchestre. Elle prendra diverses personnalités pour entourer le jeune homme au quotidien, sans que ce dernier ne se rende jamais compte de rien. C’est à travers la personnalité de Francesca Forabosco, cantatrice de renom, qu’elle le prendra sous son aile et lui lancera le pari de relever 47 défis, afin d’obtenir les 47 cordes qui viendront compléter la harpe de ses rêves.

Ce thriller fantastique, bien que parfois dérangeant, avec une ambiance qui n’est pas sans rappeler les films de Stanley Kubrick ou David Lynch, est rapidement addictif. On referme ses 400 pages, lues d’une traite en ayant qu’une hâte : lire la suite ! Karène

La jeune femme et la mer, Catherine Meurisse, Dargaud 22.50 €

Catherine Meurisse s’essaye à l’estampe japonaise et nous rend tout simplement béats d’admiration !

Un récit inspiré par un voyage au Japon où elle se rend tant elle rêve de peindre là-bas cette sublime nature nippone. Beaucoup de fantaisie, d’humour et comme toujours une grande liberté pour exprimer ce qu’elle aime, ce qu’elle ressent, ce qui la touche. Du grand grand art ! Fanny

Madeleine, résistante Tome 1, Madeleine Riffaud, J-D Morvan et Dominique Bertail, Dupuis 23.50 €

Ce premier tome des mémoires de Madeleine Riffaud laisse sans voix, quelle vie ! Lorsque les allemands occupent la France, malgré son jeune âge Madeleine n’hésite pas une seule seconde : elle s’engage dans la Résistance. Pour elle, la vie d’avant c’est fini, maintenant ce sera l’action et la clandestinité. Aujourd’hui, pour qu’on n’oublie jamais, Madeleine raconte…

Une quête de liberté sans lâcheté ni compromis et une immense leçon de courage. Quant au dessin, tout en finesse et monochrome bleu, il est admirable ! Frédéric

Le Fantôme d’Odessa

L’oeuvre d’Isaac Babel, confisquée, morcelée et reconstituée peut s’avérer difficile à appréhender. Le roman graphique de Camille de Toledo et d’Alexander Pavlenko, Le Fantôme d’Odessa, permet justement d’en saisir la particularité, la profondeur et la force.

Au printemps 1939 Isaac Babel est arrêté et incarcéré à la tristement célèbre prison de la Loubianka. Torturé pendant des mois, il sera finalement exécuté le 27 janvier 1940 d’une balle dans la nuque, sur un ordre signé de Staline. Pendant des années le régime fera croire à sa femme et à sa fille réfugiées à Paris qu’il est toujours emprisonné…

Le Fantôme d’Odessa s’articule principalement autour de trois récits : celui de sa femme apprenant l’existence d’une lettre d’adieu de son mari miraculeusement retrouvée, les angoisses et les remords de Babel en prison, et les aventures du bandit juif Bénia Krik pendant la révolution Russe, scénario qu’écrivit Babel pour le réalisateur Sergueï Eisenstein (Le Cuirassé Potemkine c’est lui) dont le film ne vit finalement jamais le jour.

Avec un traitement graphique à chaque fois différent, ces trois récits nous content la folie d’une révolution construite sur des jeux de pouvoir, sur la corruption, dans la violence et le sang, bien loin des idéaux. A cela s’ajoute les deux guerres mondiales et l’avènement d’un monstre froid et calculateur, Staline.

Le Fantôme d’Odessa est une bande dessinée poignante, le tableau d’une Russie désenchantée mais aussi une ode à la résistance, à la liberté, et un hommage aux nombreux artistes et écrivains persécutés. Enfin c’est une formidable invitation à vous plonger dans la grande littérature russe !

Tout à la fin de l’oeuvre, vous pourrez découvrir un entretien des auteurs avec Sophie Benech, éditrice et grande traductrice du russe qui a notamment traduit toute l’oeuvre disponible d’Isaac Babel aux éditions Le Bruit du Temps.

Le Fantôme d’Odessa, Camille de Toledo et Alexander Pavlenko, Denoël Graphic 24,90 €