Guerre sale

On se souvient de l’excellent polar de Dominique Manotti, Nos fantastiques années fric, adapté avec talent au cinéma sous le titre « Une affaire d’Etat ». Dominique Sylvain, avec son dernier opus, Guerre Sale, reprend en quelque sorte le flambeau en abordant à son tour le thème de la corruption et des sinistres malversations liées à la « Françafrique ».

On retrouve son duo détonnant, Lola Jost, commissaire à la retraite qui donnerait des frissons à l’inspecteur Harry en personne, et son amie Ingrid Diesel, strip-teaseuse américaine qui s’habille comme un garde suisse sous ecstasy et dont le français, particulièrement les expressions, reste à parfaire. Entre un avocat véreux, un vendeur d’armes, des barbouzes sur le retour, les deux amies qui peuvent compter sur l’aide de Sacha Duguin, Commandant de la brigade criminelle, auront bien du mal à se frayer un passage vers la vérité.

Suspense, jeux de pouvoir, humour et pneus enflammés autour du cou, le cocktail servi par Dominique Sylvain fonctionne à merveille et démontre, une fois n’est pas coutume, que le polar français se porte bien.

Guerre sale, Dominique Sylvain, éditions Viviane Hamy 18 €.

Les Harmoniques

Marcus Malte, l’auteur de Garden of Love, un polar étrange primé à de multiples reprises, nous revient en ce début d’année avec un roman noir sombre et sulfureux.

On y fait la connaissance de deux personnages charismatiques : un grand noir appelé Mister, pianiste de jazz réputé mais peu loquace, et son ami Bob, chauffeur de taxi polyglotte, qui erre sans but au volant de sa vieille 404. Les deux compères qui viennent de perdre l’une de leurs amies, une certaine Vera Nad (retrouvée brûlée vive), estiment que l’enquête policière est bâclée et décident à leur tour de découvrir la vérité.

Mais certaines choses ne gagnent pas à être remuer, surtout lorsqu’il est question de drogue, de réfugiés des balkans et de mafia serbe. Et lorsque la politique s’en mêle, le tout prend des allures de bombe incendiaire, et l’enquête se transforme vite en descente aux enfers.

Avec ce polar pétri de références (dont quelques clins d’oeil appuyés à l’actualité), Marcus Malte nous fait une démonstration de son talent. On retiendra outre des personnages taillés dans du béton armé, un style souvent lyrique, une écriture splendide qui malgré tout n’épargnera pas le lecteur, notamment lors des passages traitant de la guerre en ex-Yougoslavie et du siège de Vukovar.

Entre blues et jazz, amour et pouvoir, Les Harmoniques est un grand roman noir français, fidèle au genre et sans improvisation (si ce n’est quelques pointes d’humour), terrible et efficace qui vous tiendra en haleine jusqu’au bout. Vous y ferez aussi des rencontres aussi surprenantes que glaçantes : un joueur de guitare à l’accent balte accompagné d’un accordéoniste aveugle, un peintre manchot dont le regard en dit long, un paysan affable qu’on appelle « Sang de Boeuf », un ministre de l’Intérieur véreux et assoiffé de pouvoir… Sans compter la présence de Vera Nad, figure mélancolique et idéalisée que poursuivent inlassablement nos deux héros.

Marcus Malte nous offre en ce début d’année une ballade hantée et noire à lire au coeur de la nuit.

Les Harmoniques, Marcus Malte, Gallimard Série Noire 19 €.

Verdict

Si l’envie de vous plonger dans un bon polar juridique vous titille, je vous conseille ce mois-ci Verdict, de Justin Peacock, un nouvel auteur américain traduit chez Sonatine. Premier roman et déjà élu meilleur thriller de l’année par le Washington Post, c’est prometteur !

Dans Verdict, nous faisons la connaissance avec un avocat en disgrâce suite à une sinistre affaire de drogue. En guise de pénitence, Joël Deveraux se retrouve commis d’office, à défendre les petits criminels et à traiter des délits sans grande importance. Mais une nouvelle chance s’offre à lui, on lui propose de prendre la défense d’un jeune noir accusé de meurtre. Seulement son client n’est pas très net et les faits ne plaident pas en sa faveur, et notre avocat va vite se rendre compte que la vérité dans cette affaire ne lui sera peut-être pas d’un grand secours…

Le point fort du roman de Peacock, en plus de décrire à merveille les rouages de la justice américaine, est de nous mettre dans la peau des avocats chargés de la défense. Et là le constat est aussi lucide qu’amer, afin de défendre au mieux leurs clients, ils ont tout intérêt à ne pas découvrir qui est coupable et qui est innocent, mais davantage de chercher à présenter aux jurés une histoire plausible ou à défaut de semer le doute parmi eux.

Personnages attachants, dialogues bien sentis, finesse de l’intrigue, si Verdict n’est pas un polar spectaculaire ni virevoltant, c’est une réussite dans ce genre à part qu’est le thriller judiciaire. En évitant tout cynisme facile, il dresse un portrait sans complaisance du milieu et du fonctionnement de la justice américaine.

Verdit, Justin Peacock, éditions Sonatine 22 €.