Tony et Susan

Les éditions du Seuil rééditent Tony et Susan, un polar américain d’Austin Wright déjà publié en France en 1995.

A la lecture de cet étrange roman policier, on comprend que l’éditeur veuille lui donner une seconde chance. Car « Tony et Susan » est un livre qui sort des sentiers battus, en raison notamment de sa narration.

Susan Morrow, remariée à un chirurgien de renom, mère de trois enfants, mène une vie sans histoires. Elle reçoit un jour un manuscrit au titre évocateur : Bêtes de nuit, écrit de la main même de son ex-mari dont elle n’avait plus de nouvelles depuis près de 20 ans. Agaçée et craignant une manipulation de celui dont elle n’a pas gardé un bon souvenir, elle remet la lecture du livre à plus tard… Jusqu’au jour où elle va céder à sa curiosité et y mettre le nez.

Nous découvrons alors, en même temps que Susan, ce fameux roman qui s’avère être un polar aussi noir qu’haletant. C’est la grande force et la particularité du livre d’Austin Wright, d’arriver à nous accrocher avec un roman imbriqué dans un autre ! Et tandis que Susan avance dans sa lecture, une certaine remise en question va s’opérer en elle, l’occasion de faire le point sur sa vie et son passé.

Au final Tony et Susan est un polar curieux et singulier, à l’écriture remarquable et qui possède différents niveaux de lecture.

A (re)découvrir pour son intelligence, son habileté et son originalité !

Tony et Susan, Austin Wright, éditions du Seuil à 21.50 €.

Le mythe Kem Nunn

Né en 1948 en Californie, Kem Nunn est un écrivain américain aussi époustouflant que rare. Seulement 4 romans, dont une trilogie brillante et emblématique axée sur le thème du surf : Surf City (Folio Policier), Le Sabot du Diable (Folio Policier) et Tijuana Straits (Sonatine).

Surf City c’est l’histoire d’un adolescent mal dans sa peau, parti à la recherche de sa soeur disparue. Sa quête le fera échouer dans une petite ville de la côte ouest tenue par un gang de surfeurs. Notre héro infiltrera tant bien que mal ce gang et fera l’apprentissage du surf et de la nature, mais aussi de l’amitié, de la trahison, de la peur et de la mort.

J’ai découvert Kem Nunn il y a 8 ans avec ce livre, et cela reste à ce jour l’un des mes romans noirs préférés !

Le Sabot du Diable, le 2ème volet de cette trilogie, vient enfin de sortir en Folio. C’est aussi un chef-d’oeuvre auprès duquel il ne faut pas passer à côté. C’est à nouveau l’occasion de découvrir l’un des plus grands écrivains de romans noirs américains, chaque volume de la trilogie étant totalement indépendant et pouvant se lire séparément (il n’y a pas de personnages récurrents).

Fletcher, photographe de surf sur le déclin, voit se présenter à lui une occasion en or de se refaire : un prestigieux magazine lui demande d’accompagner deux champions de surf afin de renconter Drew Harmon, une ancienne gloire du milieu, vivant reclus quelque part en Californie. Harmon, légende vivante du surf, a promis de sortir de l’ombre une dernière fois et d’accompagner les trois hommes jusqu’à Heart Attacks, un spot mythique dont lui seul connaît l’emplacement exact, un endroit unique au monde et extrêmement difficile d’accès, coincé au bout de deux réserves indiennes réputées hostiles. Une houle gigantesque se prépare, et Drew Harmon veut immortaliser la scène en faisant appel à Fletcher qu’il a jadis connu.

Un long et difficile périple commence alors pour ces 3 surfeurs, un voyage initiatique violent et introspectif, qui prend peu à peu les allures d’une descente aux enfers. Car les indiens n’aiment pas particulièrement qu’on se promène sur leurs terres… surtout lorsqu’on s’en prend à l’un des leurs.

Tout comme dans Surf City, le roman est traversé de passages exaltants sur le surf, des descriptions sans pareil de l’océan, de vagues et de nature sauvage, des tableaux grisants empreints de philosophie et de folie. Avec cette fois-ci en toile de fond la misère de certaines réserves indiennes, où règne un chaos indescriptible, un patchwork violent de drogues, d’alcool et de mysticisme.

Kem Nunn est un nom à retenir, un auteur à lire et une oeuvre à part. Magnifique et vénéneuse, sa trilogie « Surf » est un monument de la littérature américaine contemporaine. Des pages sublimes et lyriques, des héros et des personnages aussi forts que des mythes, un style qui emporte et une intrigue qui vous colle jusqu’au bout, tout ceci n’est qu’un petit aperçu d’une oeuvre déjà culte, tellement marquante qu’on hésite entre la faire partager ou la garder pour soi !

Le Sabot du Diable, Kem Nunn, Folio Policier 7.80 €

Marée noire

Marée noire est un polar magistral, d’autant plus bluffant qu’il s’agit d’un premier roman. Retenez bien le nom de l’auteur : Attica Locke, une scénariste et enseignante américaine installée à Los Angeles.

Jay Porter est un avocat noir au passé militant, ce qui lui a laissé notamment un casier judiciaire. Une épreuve et un fardeau lorsqu’on vit en plein coeur du Texas dans les années 80. Ce qui l’oblige à se tenir à carreau et le plus loin possible des embrouilles. Aussi quand il vient au secours d’une jeune femme blanche suite à un échange de coups de feu, Jay sait tout de suite qu’il a mis les pieds là où il ne fallait pas. Pourtant c’est plus fort que lui, Jay décide d’en savoir plus et se rend  sur les lieux du crime. Et c’était bien la dernière des choses à faire, surtout lorsqu’on a une femme enceinte jusqu’au coup, un beau-père pasteur embarqué dans une grève qui risque de mettre le feu à la ville, et une relation ambiguë avec la Maire en personne.

Sur fond de lutte afro-américaine pour les droits civiques, de corruption politique et de magouilles pétrolifères, Marée noire est un polar qui se hisse au niveau des plus grands auteurs du genre. On pense entre autre au Pays à l’Aube de Dennis Lehane. Servi par une écriture exemplaire, des retours en arrière judicieux, une ambiance ensorcelante, un suspense maîtrisé du début à la fin, Marée noire impressionne et procure un grand plaisir de lecture. A découvrir absolument !

Marée noire, Attica Locke, Gallimard Série Noire 21 €.