C’est avant tout l’histoire d’une femme assassinée. Plus d’une vingtaine de coups de couteaux. Tout le monde l’aimait. Elle était belle mais fragile, perturbée par une séparation. Elle a été tuée dans son minuscule bureau de poste pour un butin misérable.
Puis surviennent des personnages incroyables, tout à la fois pathétiques et attachants, des vies invisibles ou des destins brisés aux noms improbables : Tintin, Rambouille, Thomassin… Mais aussi un père fou de douleur, figure locale, qui veut le meurtrier de sa fille mais surtout la vérité. C’est un film impensable et pourtant parfait car tout est là pour que ça fonctionne. Mais en vérité rien ne va.
On trouve aussi des gendarmes d’élite qui patinent, s’enlisent, misent tout sur la police scientifique et focalisent sur des pistes qui n’en sont pas. Il y a des avocats stars, des magistrats, ça fait du bruit et ça dure longtemps, trop longtemps. Au bout de dix ans d’enquête on est pas loin du fiasco. Il y a des carrières en jeu, alors tant pis si ça ne passe pas, si rien ne tient. On monte un dossier tant bien que mal avec des témoins peu fiables et on y va quand même. On finit par se convaincre sans avoir pourtant l’ombre d’une preuve. Pas d’ADN, rien qui « matche ». Il ne reste que Thomassin, un acteur déchu, césarisé, qui parle à tort et à travers, alcoolique aux piètres fréquentations mais gentil comme tout. Tant pis si on a pas grand-chose à part une vague conversation dans un cimetière. Après tout, il habite en face du lieu du crime. Il est bizarre. C’est forcément lui.
Sauf que contre toute attente, Thomassin disparaît. Alors qu’on l’attend au tribunal, il rate une correspondance et s’évapore en plein cœur de Nantes. Son portable cesse d’émettre.
Florence Aubenas livre dans L’inconnu de la poste un récit incroyable, passionnant, entre chronique judiciaire haletante et portrait d’une France diagonale hors du temps mais rattrapée par la misère. Avec une formidable et profonde empathie, l’auteure fait de chaque protagoniste de cette triste histoire un héros à part entière. Avec ses faiblesses, ses blessures mais aussi ses petites joies, ses bonheurs simples. Au cœur d’un décor sans pareil, une vieille station frontalière reconvertie dans l’industrie du plastique, Florence Aubenas décrit les mécanismes d’un immense ratage, avec une intelligence et une minutie pleine d’humanité. Une enquête indispensable qui claque comme le bruit d’une vieille machine à écrire, celle d’une grande journaliste.
A lire absolument !

L’Inconnu de la poste, Florence Aubenas, éditions de L’Olivier 19 €
J’ai reçu Le Quai de Ouistreham comme un coup de poing. Il y avait là des faits, un univers et une grande voix qui résonnait du dedans. Aussi ai-je été bien déçue dans mes attentes ( calées sur Ouistreham) par cet Inconnu de la poste. Le destin de ce gamin fragile et marginal est vu de trop loin et de façon me semble-t-il bien anecdotique. Tout se passe comme si F Aubenas n’avait jamais pu approcher son objet, son sujet. Si c’est le but recherché, alors c’est bien… mais du même coup, il n’y a pas d’élan, pas de rythme et je ne partage pas du tout les mots « incroyable » (on a tout sur Thomassin en allant voir Google et c’est, somme toute, une dérive assez répétitive et malheureusement banale, « passionnant » ( je me suis ennuyée), « haletante »… Le plus réussi est peut-être « le portrait d’une France hors du temps mais rattrapée par la misère », surtout culturelle et intellectuelle dirais-je . Je n’ai pas ressenti « l’empathie » habituelle de F Aubenas pour ses personnages -personnes ; « immense ratage » que le destin de ce comédien dont on aurait aimé comprendre les influences et les exploitations qu’il a subies dans cet univers impitoyable du cinéma. On ne comprend pas la dérive, on n’adhère pas. On regarde avec ennui sombrer un paume de plus. Dommage.
J’aime beaucoup Florence Aubenas, la journaliste, l’écrivaine, la femme. J’avais reçu son Ouistreham comme un coup. C’est sans doute la raison de ma déception à la lecture de L’Inconnu de la Poste que j’attendais au même niveau d’intérêt et d’écriture. C’est un récit, somme toute assez ennuyeux, qui manque de matière et qui ne dit pas grand chose de plus que ce que l’on sait déjà du naufrage de Thomassin. Sa dérive est ponctuée d’épisodes répétitifs et attendus, sans mystère et sans grande empathie. Une investigation des dégâts opérés par les milieux sans pitié du cinéma qui ont essoré cet adolescent m’eût intéressée et eût nourri une « enquête » qui ne pouvait pas être que squelettiquement « policière ». Non, ce n’est certainement pas un polar! Ce n’est pas « haletant ». C’est l’ironie tragique ( ici ennuyeuse et sans rythme) d’un naufrage attendu! Le pauvre et banal spectacle d’un fétu à la dérive, un paumé de plus. Oui, c’est un « immense ratage » que le destin de Thomassin mais c’est justement là que j’attendais l’enquête ( et pas dans la résolution du crime… inaboutie), l’humanité et la voix qui peut être si « empathique » de Florence Aubenas.