Au fur et à mesure de ses romans, d’itinéraire d’enfance à terre des oublis, en passant par au zénith et le sanctuaire du coeur, Duong Thu Huong tisse une oeuvre grandiose et humaniste sur l’histoire récente du Vietnam. Une oeuvre si forte, si juste, qu’on ne serait pas étonné (et ce serait amplement mérité) qu’un jour le Nobel de Littérature lui soit décerné !
Dans son dernier opus, les collines d’eucalyptus, on retrouve toute la sève et la délicatesse du style de Duong Thu Huong, mais surtout plus que jamais, son immense talent de conteuse. Nous suivons donc les pérégrinations malheureuses de Thanh, jeune homosexuel qui par passion va connaître un destin tourmenté, traversé toutefois de rencontres précieuses ou inoubliables. Moins marqué sur le plan politique qu’Au Zénith par exemple, Duong Thu Huong s’attache plus que jamais aux personnages, y compris ceux qui sont secondaires à l’intrigue, et parsème ainsi son livre de nombreux récits tantôt tragiques, tantôt drôles, mais toujours savoureux. Avec à chaque fois cette relation d’amour et de haine vis à vis de son pays natal, dont les contradictions ne cessent d’écarteler l’auteure. On est tour à tour plongé dans les descriptions bucoliques du Vietnam des campagnes, toujours lié à l’insouciance et à la magie de l’enfance, puis confronté aux relations perverses des adultes, faites de manipulations, de commérages et de méchancetés, avec toujours l’ombre menaçante du Parti. On découvre aussi un pays qui s’ouvre peu à peu au capitalisme (le roman se déroule dans les années 80) et à la réussite individuelle. Mais la réalité est toujours là, celle d’une société incapable d’assimiler la différence, à la justice expéditive et répressive. Les descriptions des camps de détention aux conditions de vie épouvantables et archaïques sont d’ailleurs saisissantes.
Les collines d’eucalyptus est un roman dont la richesse est tout simplement inépuisable.
Les collines d’eucalyptus, Duong Thu Huong, éditions Sabine Wespieser 29 €.