Comme son nom l’indique, Mailman est facteur. Exerçant au coeur d’une petite ville américaine, il n’est pas exempt de tout reproche. Malgré un dévouement certain, il a pour habitude de lire une grande partie du courrier de ses administrés. Allant même jusqu’à photocopier et archiver la majorité des lettres ouvertes (puis soigneusement refermées), se constituant un cabinet épistolaire de curiosités qui lui permet de suivre l’existence de presque chaque habitant. Drogué à la vie des autres, voyeur invisible, cette sinistre déformation professionnelle lui permet d’éviter d’affronter le désert de sa propre vie : une activité sexuelle et sentimentale minimaliste, un père absent et une mère à moitié folle, et une relation pour le moins déplacée avec sa soeur, actrice ratée mythomane.
Mais en apprenant le suicide d’un usager dont une lettre a été retenue plus longtemps que d’habitude, Mailman voit le semblant d’ordre dans sa vie lui glisser entre les doigts. Les événements s’enchaînent et prennent progressivement l’allure d’une tragi-comédie.
Mailman fait furieusement penser à la Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole, on y retrouve un personnage qui n’a rien pour lui, menteur et douteux, mais toutefois plus attachant parce que fragile et maladroit. De l’introspection à l’humour féroce, de Philip Roth à Tom Sharpe, Mailman est un roman aux passerelles multiples. Une fois le livre refermé, et c’est l’une de ses grandes réussites, J. Robert Lennon nous fait réaliser que nous avons tous un peu de Mailman en nous.
Mailman, J. Robert Lennon, éditions Monsieur Toussaint Louverture 23 €
Belle recension. Merci l’Odysée!
Merci beaucoup !
Les bons livres sont les plus faciles à chroniquer car ils sont très inspirants. 🙂