La saga du Pouvoir des innocents.

Il y a neuf ans s’achevait Le pouvoir des innocents, une série de bande dessinée en 5 volumes, remarquée et remarquable !

Les deux auteurs, Luc Brunschwig et Laurent Hirn, remettent le couvert en sortant cette fois-ci en parallèle  pas moins de deux séries distinctes : Les enfants de Jessica et Car l’enfer est ici, à laquelle participe un troisième compère : David Nouhaud.

La première série se passe en 2007, soit 10 ans après le pouvoir des innocents. Les Etats-Unis sont à la veille d’un plan de mesures sociales d’une ampleur sans équivalent dans l’histoire du pays. Mais beaucoup d’intérêts politiques ne l’entendent pas de cette oreille. Dans cette Amérique en proie à la pire crise économique de son histoire, la violence et la corruption ne demandent qu’à s’exprimer librement…

Car l’enfer est ici se passe cette fois-ci seulement 6 mois après la fin de la série originale. Joshua Logan est un terroriste présumé, soupçonné d’être le responsable d’un attentat abominable. Traqué, celui-ci veut se rendre à la police pour prouver son innocence et dévoiler au monde le complot dont il s’estime victime. Mais au lendemain de l’élection controversée d’un nouveau maire à New-York, la vérité peut s’avérer vite embarrassante.

N’y allons pas quatre chemins, ces deux nouvelles séries sont excellentes ! Un scénario mature de politique-fiction très crédible. Des dessins à la hauteur des ambitions. Une narration sans failles… Rien à redire on est là dans le haut de gamme !

Mieux encore, pas besoin d’avoir lu Le pouvoir des innocents pour apprécier à leur juste valeur ces deux séries, c’est dire !

Et plus encore, la crise économique et politique américaine récente donne un côté visionnaire à cette oeuvre.

Oubliez XIII et Largo Winch, avec la saga du Pouvoir des innocents on est au-dessus du lot.

Les enfants de Jessica, Brunschwig et Hirn, éditions Futuropolis à 11 €.

Car l’enfer est ici, Brunschwig, Hirn et Nouhaud, éditions Futuropolis à 13 €.

Les 5 tomes de la série originale Le pouvoir des innocents sont disponibles chez Delcourt à 13.50 € chaque.

Quelques bds pour rire et rêver !

Plusieurs très bonnes bds viennent égayer ce début d’année un rien frisquet : tout d’abord un peu d’humour noir avec L’île aux cent mille morts, du dessinateur Jason. Avec ses personnages placides au regard vide, son humour décalé, gentiment macabre mais un brin profond, Jason est un auteur de talent qui gagne à sortir de l’underground ! Assisté cette fois d’un scénariste confirmé, Fabien Velhmann, il revisite l’univers de la piraterie en suivant une jeune fille partie à la recherche de son père disparu, laquelle va se retrouver sur une île plus que mystérieuse où sévit une école de… bourreaux ! Un régal, quand Woody Allen et Lewis Trondheim revisitent Stevenson !

L’île aux cent mille morts, Jason et Velhmann, éditions Glénat 15 €.

Les Quatres Soeurs, dont le premier tome vient de paraître, est une formidable adaptation du roman en 4 volumes de Malika Ferdjoukh paru il y a quelques années à l’Ecole des Loisirs. Graphiquement somptueuses, les planches sont aussi virevoltantes que leurs héroïnes. Pétries de bonnes références (au cinéma et à la littérature), ces Quatres Soeurs (qui sont en fait 5 dans cet épisode) sont de bonne compagnie et leurs aventures aussi attachantes que drôles. Il se dégage de cette oeuvre un charme espiègle que n’auraient pas renié les soeurs Brontë… Vivement la suite !

Quatre Soeurs T1 Enid, Malika Ferdjoukh et Cati Baur, éditions Delcourt 14.95 €.

 

Plus exigeante mais non moins magnifique, Féroces Tropiques nous conte l’aventure extraordinaire d’un peintre allemand dans la folie de la première partie du siècle dernier. Entre un séjour forcé au coeur d’une tribu sauvage quelque part en Nouvelle-Guinée, le front de la guerre de 14 et la montée du fascisme en Allemagne, à défaut de comprendre les hommes notre héros finira par découvrir sa propre vérité. Un voyage extraordinaire et riche en couleurs : entre Egon Schiele, Van Gogh et Gauguin, Pinelli et Bellefroid signent là une grande bd où chaque case éblouit le lecteur, et où le texte force à l’introspection.

Féroces Tropiques, Pinelli et Bellefroid, éditions Dupuis / Aire Libre 15.95 €

Enfin à noter que l’excellente bd chez Casterman de David Mazzucchelli, Asterios Polyp, que nous vous chroniquions dès le mois d’octobre, vient d’obtenir le Prix Spécial du Jury lors du festival d’Angoulême !

Asterios Polyp

Aussi mystérieux que le nom qu’il porte, Asterios Polyp est un professeur d’université proche de la cinquantaine, un architecte qui a connu son heure de gloire et qui désormais abuse de sa notoriété pour séduire ses étudiantes. Armé d’une bonne dose de cynisme, son quotidien est fait de cocktails superficiels et de rencontres éphémères. Mais derrière cette façade se cache un artiste frustré, et surtout un homme éperdu d’amour.

Cette bande dessinée de David Mazzucchelli, proche d’un roman graphique, est un voyage éblouissant. Le dessin vous emporte tout de suite, avec un jeu de couleurs magnifiquement pensé et une simplicité aussi efficace qu’étudiée. L’histoire quant à elle regorge de surprises, et surtout de personnages pittoresques très attachants.

C’est en fuyant l’incendie qui ravage son appartement qu’Astérios Polyp va entreprendre un voyage au coeur de l’Amérique profonde. Il y découvrira quelques plaisirs simples, mais surtout fera le point sur sa vie, plus particulièrement l’histoire d’amour qui l’a laissé brisé. Avec ces retours en arrière, le lecteur découvrira qu’Astérios est plus sensible qu’il n’y paraît, gagnant au passage plus de sympathie.

Riche en contenu, d’une finesse rarement atteinte en bd, Asterios Polyp est un voyage au coeur de l’amour et de ses vicissitudes, dans la vie mouvementée d’un couple où l’art et les sentiments sont difficiles à gérer. Une grande bd américaine et une oeuvre étonnante à ne pas rater !

Asterios Polyp, David Mazzucchelli, éditions Casterman 29,95 €.