La musique est un feu intime qui consume celui qui en joue.
Les joueurs de blues et de folk en savent quelque chose :
Nick Drake, Tim Buckley, Roy Buchanan, Tim Hardin, Danny Gatton…
La liste est longue mais l’un d’entre eux a tout fait pour se faire oublier :
Jackson C. Frank.
Le feu est au départ, pour ce jeune américain de l’après-guerre, celui d’un incendie accidentel qui ravage son école et le défigure à jamais. A l’hôpital on lui apporte une guitare pour le consoler. Il apprend tant bien que mal à y jouer et y trouve un salut. Un dérivatif à sa souffrance. Mais il peine à écrire sa propre chanson. Une rencontre improbable avec Elvis Presley va le mettre sur la voie. Un gros chèque l’emmène sur un bateau en route pour l’Europe. Il y compose enfin son premier texte : un blues. A Londres un certain Paul Simon le repère et décide de l’enregistrer. Tout est enfin là, grâce à quelques accords et une voix. La reconnaissance, le succès. Mais le destin n’aime pas qu’on lui force la main.
Le feu, lui, continue de se développer. Du plus profond des os, en passant par le coeur et l’âme, il ne cesse de ronger le corps de Jackson. Le reste ne prend pas.
La suite est une longue hallucination, une agonie, une folie. Le goût amer de l’échec, de la solitude, d’une balle dans l’oeil. Alors il disparaît et on n’entend plus jamais parler de lui.
Vous ne connaissiez pas Jackson C. Frank ?
Thomas Giraud le connait lui. Dans son merveilleux roman, La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, l’écrivain plonge au plus profond de la psyché d’un homme traumatisé. Avec liberté sans doute, mais avec un éminent talent et une précision remarquable. Il évite la facilité d’une biographie littéraire et préfère s’attacher à nous faire ressentir les instants clés d’une vie. Quand tout bascule ou quand tout aurait pu basculer.
Jackson C. Frank est mort en 1999 à 56 ans, inconnu de tous ou presque.
Sa musique, heureusement, a survécu.
Thomas Giraud est aussi l’auteur d’un autre roman, Elisée, avant les ruisseaux et les montagnes (éditions la contre allée) où il retrace les premiers pas du contemplatif et décalé Elisée Reclus. C’était déjà une réussite.
La Ballade silencieuse de Jackson C. Frank, Thomas Giraud, éditions la contre allée 17 €
Belle chronique. Cela donne envie. Je pense que ce roman plairait beaucoup à mon compagnon. Quant à moi, je découvre ainsi le titre du précédent livre qui me correspondrait à coup sûr, alors je note. Merci.