La Cinquième Vague

Mode d’emploi pour coloniser une planète (au hasard la Terre) et anéantir la population indigène :

La première Vague : Extinction des feux. A l’aide d’une arme électro-magnétique vous coupez les moteurs des voitures, des avions et mettez brutalement fin à toute forme d’énergie, plongeant le monde tel que nous le connaissons dans le chaos.

La deuxième Vague : Déferlante. Vous provoquez artificiellement de gigantesques raz de marée et tremblements de terre sur toute la surface du globe, tuant des millions de personnes.

La troisième Vague : Pandémie. Vous lâchez un virus de type Ebola. Les morts cette fois-ci se comptent en milliards.

La quatrième Vague : Silence. Vous débarquez et infiltrez les derniers rescapés.

La cinquième Vague : Ce sera la plus cruelle de toutes. Et c’est ici que tout commence.

La collection « R » de Robert Laffont, destinée aux ados, frappe un grand coup avec cette nouvelle trilogie. Sur un thème pourtant récurrent, celui de l’invasion extraterrestre, l’auteur réussit un tour de force à tous les niveaux : intrigue, personnages, écriture et narration… Pas de fausses notes ! La 5ème Vague est une réussite indéniable, un pur blockbuster à vous décrocher la mâchoire.

La 5ème Vague, Rick Yancey, collection « R » (Robert Laffont) 18.50 €

Princesse Vinyle

Dans Princesse Vinyle il n’y a pas de vampires ni de loups-garous. Mais il y a Allie, une jeune fille de 16 ans qui va travailler tout l’été chez Bob and Bob, un disquaire indépendant sur Telegraph Avenue, Berkeley, Californie. La clientèle n’a rien d’un épisode de Beverly Hills, on y croise des mono-maniaques du disque, des junkies et des SDF qui viennent s’y abriter, une pincée de gothiques et des asociaux plus sympathiques que dangereux.

Allie a une meilleure amie qui est amoureuse d’un musicien dont le groupe s’appelle « Ma Tante me déprime ». Celui-ci a une drôle de conception de la fidélité.

Dans Princesse Vinyle on apprend que pour se remettre d’une rupture sentimentale, rien ne vaut un album des Smiths (The Queen is dead). Qu’il faut se méfier des beaux ténébreux et du camping, surtout lorsqu’on a une mère célibataire qui drague sur internet.

Ce roman d’Yvonne Prinz nous fait regretter l’époque où l’on écoutait un vinyle dans notre chambre, assis sur un lit tout en contemplant la pochette. Où l’on pouvait passer des heures chez un disquaire, à dénicher la perle rare, à échanger avec les vendeurs, à discuter du parcours de tel ou tel guitariste. Et pourtant Princesse Vinyle se passe de nos jours, ce qui rend le livre d’autant plus attachant. Car Allie fait de la résistance et ne se reconnaît pas dans ses contemporains, parmi ces jeunes qui défilent devant sa boutique sans lever les yeux, l’ipod collé à l’oreille en train d’écouter tout et n’importe quoi. Pour Allie, c’est « lamentable que le monde moderne arrive à se passer de magasins de disques, et c’est lamentable que les gens se bornent à télécharger leur musique sur un ordinateur sans la palper, sans renifler son odeur, sans la tenir à pleines mains et, surtout, sans en éprouver le moindre remords.« 

Alors, Princesse Vinyle un roman réac pour ados ? A vous de juger ! En tout cas c’est drôle, rythmé, un brin destroy et pétri de bonnes références musicales. Avec impertinence et tendresse, Allie nous plonge dans son univers suranné et nous rappelle une chose essentielle : la musique c’est la vie !

Princesse Vinyle, Yvonne Prinz, éditions Albin Michel Wiz 13.50 €.

Vampires et totalitarisme !

Voici deux nouveautés intéressantes en littérature jeunesse, sur des thèmes pourtant fréquents, mais dont le traitement dégage une certaine originalité.

Promise de Ally Condie (1er tome d’une trilogie), paru chez Gallimard Jeunesse, est ce qu’on appelle une dystopie, à savoir un roman « contre-utopique ». Dans un futur sans doute proche mais indéterminé, les citoyens vivent dans une société réglée au millimètre près où rien est laissé au hasard. Ni le mariage, ni les naissances, ni le travail… ni la mort. Encadrés et surveillés en permanence par une sorte de milice politique : Les Officiels, les gens vivent en fonction non pas de leurs choix, mais de leurs capacités et de leurs talents. Une sorte de pacte tacite s’opère entre ces Officiels qui représentent la Société, et les citoyens soumis. En échange de leur docilité et d’une obéissance aveugle à des règles de probabilités, ceux-ci sont assurés de vivre en paix dans un monde sans violence ni mauvaise surprise.

Promise est le récit palpitant d’une adolescente qui va peu à peu découvrir l’envers du décor, et qui par amour va se rebeller petit à petit contre le système. D’une trame très classique, l’auteur réussit à nous immerger dans cet univers glacial et mécanique, où tout est calculé et anticipé, jusqu’aux repas fournis par les Officiels ! Surtout elle transmet à la perfection la peur refoulée de ces citoyens condamnés à ne pas sortir des chemins tracés par la société sous peine d’ostracisme. Peut-être un peu trop romantique par moments (dans le sens « Twilight » du terme !), Promise demeure un excellent roman d’anticipation pour jeunes adultes, une bonne introduction à 1984 d’Orwell ou Fahrenheit 451 de Bradbury. On pense aussi au Passeur, le chef-d’oeuvre de Lois Lowry.

Promise, Ally Condie, Gallimard Jeunesse 18 €.

L’école des Loisirs ne résiste pas à l’attrait de la littérature vampirique pour ados, et viennent de publier La Société des S, le début là aussi d’une trilogie, dont l’auteur est Susan Hubbard.

On ne dira pas que c’est une révolution dans le genre, loin de là, mais le roman est accrocheur et suffisamment énigmatique pour tenir en haleine. En même temps il est difficile de renouveler le mythe lorsqu’on voit tout ce qui est sorti en littérature jeunesse dans ce domaine, sans compter le cinéma et les romans pour adultes !

La Société des S nous conte les péripéties d’Ariella, une adolescente de 13 ans qui a été élevée par son père, un homme mystérieux et qui bien entendu s’avère être un vampire. S’ouvrant peu à peu au monde extérieur, Ari va découvrir de nouvelles sensations et ses propres appétits, mais aussi partir en quête de sa mère qui l’a abandonnée à la naissance. Et c’est sans doute là l’intérêt du roman, en tout cas de ce premier tome, ce road-movie adolescent qui fait la deuxième partie du livre, et où Ari va découvrir la vérité sur sa naissance.

Si le côté vampire est parfois bizarrement traité (le mélange entre réalité et fiction est ambiguë), il n’en demeure pas moins que l’histoire est prenante, et que l’écriture est ingénieuse, saupoudrée d’une fine couche d’humour à froid qui donne un charme certain au récit. Et cette fois ci on est loin du côté fleur bleue qu’on retrouve souvent dans la littérature vampirique pour ados. Bien au contraire !

La société des S, Susan Hubbard, L’Ecole des Loisirs Médium 16.80 €