L’été où tout a fondu

Avec son roman Betty, paru chez Gallmeister il y a deux ans, Tiffany McDaniel avait marqué les esprits ! 

L’été où tout a fondu, son deuxième livre vient juste de sortir. 

Alors, est-il aussi bon que Betty ?

La réponse est mille fois oui !

Au cours de l’été 1984, dans la ville de Breathed, Ohio, un procureur tiraillé par le bien et le mal publie une curieuse lettre dans le journal local : il invite le diable à venir lui rendre visite.

Le lendemain un jeune garçon noir aux yeux verts prétend répondre à l’annonce. Pourtant son allure débraillée laisse plutôt à penser qu’il s’agit d’un fugueur. Ne ressemble-t-il pas trait pour trait à un enfant récemment porté disparu ? Le shérif pour le moins perplexe mène son enquête, pendant que Fielding, le fils du procureur, se lie d’amitié avec l’étrange adolescent.

Breathed n’est pas une ville idéale ni parfaite, mais on y vit bien. Pourtant cet été-là les choses vont vite dérailler. Les plus inavouables secrets, qui dormaient au plus profond des consciences, vont remonter à la surface. Le fragile équilibre qui permettait à la communauté de vivre ensemble va se rompre. Les haines et les rancoeurs vont enflammer la ville, tandis que la chaleur n’en finit pas de monter. L’heure des drames et de la vérité a sonné.

L’été où tout a fondu est une tornade d’émotions, de rebondissements. On est happé dès les premières phrases, on tourne les pages la langue sèche et comme chacun des protagonistes de cette remarquable histoire on croit et on doute. Et à la fin, les larmes coulent. Le diable existe-t-il vraiment ou suffit-il de le pointer du doigt, de le nommer pour qu’il prenne vie ?

C’est moi où il fait chaud, tout à coup ?

Frédéric

L’été où tout à fondu, Tiffany McDaniel, diaboliquement traduit de l’américain par François Happe, Gallmeister 25.60 €

Sidérations

Un émerveillement !

C’est le premier mot qui m’est venu à l’esprit après avoir lu Sidérations, le dernier roman de l’américain Richard Powers, ce grand écrivain qui en tant qu’artiste saisit mieux que quiconque notre monde.

Theo Byrne est un astrobiologiste dont le travail est de concevoir et de comprendre comment la vie pourrait se développer sur des planètes hostiles et lointaines. Robin, son fils de neuf ans qu’il élève seul suite à la mort de sa femme, est en proie à des crises de rage de plus en plus fréquentes, perturbant sa scolarité. Refusant de lui infliger une médication lourde, son père se tourne vers une thérapie expérimentale permettant de stimuler l’empathie et d’accroître le contrôle des émotions. Contre toute attente, les résultats vont au-delà des espérances.

Sidérations est un livre touché par la grâce, admirable et retentissant. Entre effroi et éblouissement, on refuse de lâcher ce père et ce fils qui ne demandent qu’à célébrer la nature et à vivre en paix. Avec générosité et une simplicité désarmante, Richard Powers nous montre le chemin pour que nous n’ayons rien à regretter. Il porte une lucidité terrible sur notre siècle mais fait suffisamment preuve d’imagination et de poésie pour nous faire encore un peu rêver.

Roman nécessaire, Sidérations nous ouvre les bras d’un futur irréversible dont nous entrevoyons déjà le visage.

Un émerveillement, vous dis-je !

Frédéric

Sidérations, Richard Powers, traduit de l’américain par Serge Chauvin, Actes Sud 23 €

Lorsque le dernier arbre

« Que sont les familles, sinon des fictions ? (..) Comme toutes les histoires, les familles ne naissent pas, elles sont inventées, bricolées avec de l’amour et des mensonges et rien d’autre. »

Lorsque le dernier arbre de Michael Christie, possède le souffle des grandes sagas familiales, de celles qui vous emportent dès le premier chapitre. Une très belle lecture pour entamer cette nouvelle et prometteuse rentrée littéraire !

En 2038 les arbres n’existent plus. Le réchauffement climatique et plusieurs épidémies ont tout réduit en poussière, les maladies respiratoires font partie du quotidien. Au large de la Colombie-Britannique subsiste une île boisée, dernière représentante des forêts primaires, accessible seulement à quelques touristes fortunés. Mais à qui appartient réellement cette île ? Et quelle est son histoire ? Pour y répondre, l’auteur remonte le temps jusqu’en 1930, au lendemain d’une crise sans précédent qui bouleversa le monde. Surgissent alors des personnages incroyables, un aveugle magnat du bois, un poète irlandais déchu, un fugitif protégeant un nourrisson illégitime… Toute une dynastie qui petit à petit va se construire puis se défaire, un empire bâti sur l’exploitation sans vergogne des forêts qui se transformera en un macabre héritage impossible à supporter.

« Ce que l’expérience lui a appris, c’est que plus les temps sont durs, plus nous nous comportons mal les uns envers les autres. Et ce que nous avons de pire à offrir, nous le réservons à notre famille. »

Lorsque le dernier arbre est une fresque passionnante racontée avec un talent qui force le respect. Mais aussi un roman qui nous parle de la destruction d’un monde, notre monde, à travers le prisme d’une famille déchirée en mal de rédemption. Un hommage à la grande littérature romanesque tout autant qu’un cri d’alarme, un appel à sauver ce que nous avons de plus précieux.

« On ne peut plus changer le monde, mais si on est intelligents, on arrivera peut-être à en préserver l’essentiel. »

Lorsque le dernier arbre, Michael Christie, traduit de l’américain par Sarah Gurcel, Albin Michel 22.90 €

Vient de paraître ! (18 août 2021)

Frédéric